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Le corps est fait des trois cavités
splanchniques* anatomiques. Symboliquement, nous pourrions imaginer qu'à
ces trois étages, ces trois lieux, sont attachés un imaginaire,
un temps, un état différent.
- Avec le Haut, région du cerveau,
peut être associée l’idée du Projet,
de celui qu’il faut énoncer à soi-même et
aux autres, de l’intention affirmée, du mot intelligible
qui définit, qui montre la direction ; c’est l’étage
de l’élan, des changements d’orientation, de la décision,
du Futur.
On pourrait mettre en parallèle le Haut avec les os qui ne sont
accessibles que par l’imaginaire.
Dans la danse, c’est l’étage du « Jeté
», de l’intention éclatante vers le Haut, de l’élévation
qui éloigne le corps du sol ou de son point d'appui, étage
de la prévision et de l'observation.
Cet étage du Haut est celui de l’exaltation, du Désir.
Dire*
Physiquement : mouvement direct de la tête vers le ciel, l'avant
ou le côté entraînant le corps hors de son point
d'appui ; rotation de la tête après son élévation.
- Au Centre, région de l’Affect*,
du cœur et de la respiration (le haut de la cage thoracique) sont
attribuées les idées d’intuition, d’amour
infini, d’indicible grâce,
Centre autour duquel le Haut et le Bas s’équilibrent et
s’harmonisent dans l’instant. Lieu à laisser libre,
vacant, vide, mobile, en apesanteur ; apte à appréhender
l’inconnu, il doit pouvoir recevoir le hasard, le pur Présent.
On pourrait mettre en parallèle le Centre avec la peau, principal
organe respiratoire, qui révèle nos relations avec le
monde extérieur, qui est entre les autres et
nous-mêmes.
Dans la danse, c’est l’étage du « Porté
», de l’adage, du lié, de la fluidité, de
l’absence d’affirmation, du
« développement », du vécu dans la succession
des instants, de la suspension.
Cet étage du Centre est celui du rayonnement, de la Présence.
Taire*
Physiquement : mouvements d'adaptation du haut de la cage thoracique
avec le cou et les mouvements de la tête et des basses côtes
avec les lombes et les mouvements du bassin.
- Au Bas, région des viscères
et du bassin, sont attribuées les idées de Matière,
de force invincible, de réalisation
; c’est l’étage de la relation à soi-même,
de la conscience de son propre poids, de la perception du sol, du Passé
sur lequel on s’appuie pour s’élancer vers le Futur.
On pourrait mettre en parallèle le Bas avec les muscles phasiques*
qui, par leurs diverses tensions, nous révèlent notre
état.
Dans la danse, c’est l’étage du « Plié
», de la chute, de l’intention
affirmée vers le bas, des appuis rythmiques qui rapprochent le
corps du sol.
Cet étage du Bas est celui de l’acceptation de la chute.
Faire*
Physiquement : mouvement du bassin vers le bas.
Remarque : il ne faut pas oublier que les
trois étages du corps sont représentés dans chacune
de ses parties.
* Splanchnique : terme d’anatomie se rapportant aux viscères.
Les trois cavités splanchniques : tête, thorax, abdomen
(Littré)
* Affect : en psychologie, premier ébranlement de la sensation
(Larousse)
* Phasique : on dit « muscles phasiques » par opposition
au « muscles toniques ». Les muscles « phasiques »
sont blancs, travaillent par à-coups (par phases) et sont en
relation avec la volonté. Les muscles « toniques »
sont rouges, travaillent à l’adaptation des incessants
changements du corps et cela, en dehors de la volonté. On les
appelle les muscles de posture.
* « Dire, Faire, Taire » : devise de Jacques Cœur (1395-1456).
L’artiste se façonne lors de son entraînement. Le
temps de l’échauffement est le moment privilégié
où il doit apprendre à se connaître.
Le pédagogue est celui qui accompagne l’élève
dans cette quête de lui-même. Pour cela il faut que les
buts à atteindre soient clairs et que les moyens donnés
pour les obtenir le soient tout autant.
L’autorité n’a alors que peu de place dans cette
démarche. Dans cet esprit, le cours que je préconise se
compose ainsi :
1)
la proposition d’une «
barre flexible » (par exemple dans
l’étage du Centre, l’observation, lors d’une
prise d’élan, des pointes des omoplates qui se resserrent
dans le dos, en imaginant, juste en dessous, l’apophyse de la
huitième vertèbre dorsale qui se remonte en opposition,
tout le corps étant à l’écoute de cette prise
de conscience).
2 ) l’expérimentation
(c’est-à-dire en dehors d’une exigence rythmique
ou de réussite) de cette « barre flexible » sur un
mouvement simple, une phrase de répertoire ou une petite improvisation.
3) la leçon proprement dite
avec ses exercices « basiques » (travail du corps toujours
le même) mêlés au travail d’application, les
« intermédiaires » (vocabulaire classique ou autre)
et/ou variation de « répertoire », ceux-ci toujours
renouvelés.
© Wilfride Piollet, Poissy
2004
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